La mise en adéquation de la passerelle de majorité et du vote par correspondance
- melanieeletto
- 5 oct. 2021
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Jugement du Tribunal judiciaire d’ORLEANS du 5 mai 2021, n°21/00417
En l’espèce et en date du 21 octobre 2020, des copropriétaires d’un ensemble immobilier ont reçu une convocation à l’Assemblée générale de leur immeuble, précisant que compte tenu du contexte sanitaire, décision avait été prise par le syndic et les membres du conseil syndical de tenir l’assemblée en la seule présence des membres du conseil et de statuer sur les résolutions présentées exclusivement par le biais du vote par correspondance et le formulaire joint mentionnait les 22 résolutions mises au vote.
Par courrier électronique du 6 novembre 2020, le Syndicat des copropriétaires précisait qu’il avait été décidé de retirer de l’ordre du jour « toutes les questions importantes » pour ne conserver que les questions ne faisant pas débat. Le courrier ajoutait qu’il n’y avait pas lieu d’écarter les résolutions n°6 et 18 portant respectivement sur la prorogation de la nomination du syndic actuel, et sur une autorisation de travaux demandée par Mme Y, présidente du Conseil syndical consistant au remplacement, à ses frais exclusifs, d’une fenêtre existante côté parking par une porte vitrée privative.
Le même jour, M. X faisait part de son désaccord et expliquait que pouvant constituer un précédent, la question soulevée par la résolution n°18 méritait d’être débattue avant le vote et devait en conséquence être retirée de l’ordre du jour. Aucune réponse n’a été apportée à la demande de M.X
L’assemblée générale se tient le 27 novembre 2020 et le procès-verbal est notifié le 7 décembre 2020.
A cet égard, le procès-verbal de l’assemblée générale mentionnait que les résolutions n°6 et 18 n’ayant pas obtenu la majorité des copropriétaires, ont donc été adoptées à la majorité des voix exprimées au terme d’un second-vote fondé sur les intentions de vote recueillies pour le premier scrutin.
Autorisé à assigner à jour fixe, M.X conteste donc les deux résolutions.
Le Tribunal judiciaire rappelle que le vote par correspondance est possible. Il précise également qu’en l’espèce les résolutions n°6 et 18 ont été soumises à un premier vote à la majorité de l’article 25 qui, n’ayant pas obtenu la majorité mais ayant recueilli un tiers des voix de tous les copropriétaires, pouvaient être soumises par la même assemblée à un second vote selon les termes de l’article 25-1.
Le Tribunal fait droit à la demande de M.X en ces termes :
« Il n’était pas fait mention dans le tableau des intentions de vote de l’éventualité pour chaque résolution de faire l’objet de la passerelle prévue à l’article 25-1. En conséquence, aucune possibilité n’était offerte aux copropriétaires de voter par anticipation à un second scrutin
Force est donc de constater qu'en procédant à un second scrutin fondé sur les intentions de vote du premier, sans qu’il soit donné possibilité aux copropriétaires de connaître les résultats du premier, le syndicat a non pas fait procéder à un second vote, mais repris les votes du premier, privant ainsi les copropriétaires de leur droit d’évoluer dans la réflexion et de changer leur vote sur ces résolutions entre les deux tours, et partant d’exprimer librement leur intention de vote à l’occasion d’un nouveau scrutin.
Dès lors, en empêchant les copropriétaires d’exprimer en conscience leur voix au cours d’un réel second vote, le syndicat de la SCI MADELEINE a agi en violation du droit de vote de chacun des copropriétaires »
Les syndics ont l’habitude de reporter systématiquement les résultats du premier vote sur le second et de ne pas mentionner dans le formulaire de vote par correspondance l’hypothèse de la passerelle et c’est exactement ce en quoi avait procédé le syndic en l’espèce.
Cette pratique que l’on peut aisément comprendre tant il serait illogique qu’un copropriétaire change de vote alors même qu’il ne participe pas en visio ou en présentiel à l’Assemblée générale, a été mise en exergue par le GRECCO.
Dans sa préconisation du 16 décembre 2020, le GRECCO avait encouragé les syndics à prévoir dans le formulaire la reproduction de la résolution en double dans l’hypothèse où elle serait susceptible d’être soumise à la passerelle de l’article 25-1 ou de l’article 26-1.
Quand bien même en principe le vote du copropriétaire ne devrait pas différer entre le premier et le second vote, il n’en demeure pas moins vrai que le copropriétaire prend part à la prise de décision et doit donc de nouveau être interrogé et s’exprimer sur la question qui lui est soumise.
Il n’est donc pas étonnant de prévoir dans le formulaire l’hypothèse de la passerelle et d’inscrire deux fois la question :
- Une fois à la majorité de l’article 25 si la résolution est soumise à cette majorité et une seconde fois à la majorité de l’article 25-1.
- Une fois à la majorité de l’article 26 si la résolution est soumise à cette majorité et une seconde fois à la majorité de l’article 26-1.
Ceci entrainerait une surcharge de travail conséquente pour le syndic, dans l’attente éventuelle d’une réaction du législateur à ce sujet.
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